La rencontre, au début des années 1960, entre un jeune photographe Eikō Hosoe et le déjà célèbre écrivain Mishima s’est traduite par une série de portraits photographiques explosifs. Une vingtaine de ces images, retravaillées à la fin des années 1980 par son auteur, sont exposées à la Galerie Eric Mouchet à Paris jusqu’au 22 décembre.

A 27 ans, le photographe japonais Hosoe a rompu avec la photographie documentaire - sa voie toute tracée - pour exprimer une autre approche de la vie. Dans ses films et photographies nés de sa rencontre en 1959 avec le danseur et inventeur de la danse butō, Tatsumi Hijikata, il poétise une nouvelle liberté corporelle, objet de communications obscures, montre le nu, suggère par abstraction l’homosexualité.
Barakei ou la destruction iconoclaste
Ces images naissent également dans un contexte plus vaste. La scène artistique japonaise d’avant-garde du début des années 1960 est traversée par un tumulte créatif comme le montre parallèlement l'exposition organisée au centre Le Bal autour de la revue Provoke « Entre contestation et performance - La Photographie au Japon 1960-1975 ».
Dans l’esprit d’une esthétique libérée par la danse butō, Hosoe réalise à plusieurs reprises (entre 1960 et 1961) des séances de photographies principalement dans la luxueuse villa de Mishima à Tokyo.
Venu pour briser le mythe de l’écrivain, le photographe a carte blanche avec la complicité totale de Mishima pour laisser libre cours à son imagination. Les trente-neuf portraits publiés sous forme d’album sont à la fois une célébration de l’écrivain admiré par Hosoe et sa « destruction iconoclaste ».
Hosoe imagine un univers sophistiqué, baroque, forcément étrange, dans un climat de finitude, voire d’une extrême lourdeur. Il met en scène Mishima corps et esprit. Souvent entièrement nu, à l’intérieur de sa maison ou dans son jardin, l’écrivain pose avec quelques objets symboliques, une rose, un maillet… une femme.
Le traitement des images en de forts contrastes par superposition de négatifs et de possibles techniques de solarisation densifie l'espace. La matière y est omniprésente. Les compositions intègrent les principaux thèmes de l’œuvre de Mishima : pessimisme, déchéance du corps, homosexualité, beauté, culture de la Renaissance européenne, homme-martyr. Les photographies de cette série sont assemblées dans une continuité narrative d’où l’expérience irremplaçable du livre édité en 1963.
Des tirages photographique agrandis dans les années quatre-vingt
L’exposition à la Galerie Eric Mouchet nous offre l’occasion de voir autrement cette aventure extraordinaire. Soit une vingtaine d’épreuves issues des clichés d’époque produit en format moyen par Hosoe en 1988 dans son studio.

Étonnamment, les tirages ainsi agrandis et en quelque sorte isolés, se suffisent à eux-seuls. Ils impressionnent par leur beauté noire, leur lisibilité. L’esthétique de la beauté, son absolu, s’y révèle avec force, un thème cher à Mishima. Une autre manière, complémentaire au livre, d’approcher le mythe posthume de cet écrivain.
Des tirages postérieurs agrandis au gélatino-argentique ont déjà été produits par Hosoe. Mais pour cet ensemble exposé à la Galerie Mouchet, l’artiste photographe a utilisé le tirage au platine – palladium, un procédé artisanal et pour ainsi dire unique par contact entre le négatif et le papier imprégné de sels de platine et de palladium. Au-delà du simple agrandissement, Hosoe a continué à travailler ses images, leur texture, à offrir une autre perception de son oeil, voire de son souvenir. Un work in progress tout à fait étonnant.
Un livre culte recherché par les collectionneurs

- De la première série de photographies, il sera édité en 1963 un album rapidement devenu culte Barakei (Killed by Roses) qui sera primé la même année lors d’une exposition internationale de photographie à la George Eastman House à Rochester (États-Unis). 1 500 exemplaires sont signés par les auteurs.


- Une édition postérieure sera enfin mise à disposition du grand public en 1971. La traduction du titre a changé. Il s’intitule désormais Barakei (Ordeal by Roses) [Barakei (Ordalie par les roses)].
Le livre qui intègre de la couleur, complètement repensé sous la direction de Hosoe et Mishima et du graphiste Tadanori Yokoo, s’appréhende aujourd’hui comme un mémorial à Mishima qui organise depuis plusieurs mois son futur suicide.
Cinq sections sont imaginées : « Voir et les yeux », « Yeux et péchés », « Péchés et rêves », « Rêves et mort », et enfin « Mort » qui intègrent 39 photogravures.

- En 1985, sort une édition de la version de 1971 du livre photographique par Aperture (New York) et l’année suivante une version française est publiée par les éditions Hologrammes.
Jusqu'au 22 décembre 2016
Galerie Eric Mouchet
45, rue Jacob 75006 Paris
Tél. : 01 42 96 26 11
Du mardi au samedi 11h à 13h et de 14h à 19h
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Marchelle Steve (mercredi, 01 février 2017 13:30)
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Katharine Jeanbaptiste (vendredi, 03 février 2017 06:15)
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