Dans un monde où les activités de l’homme pèsent de plus en plus sur l’équilibre naturel, le travail du Lyonnais David Décamp témoigne à la manière d’un alchimiste. Cet artiste autodidacte a surtout un talent authentique pour composer, avec des matériaux primaires, des œuvres qui se veulent métamorphoses. Jusqu’au 14 janvier à la galerie La Forest Divonne à Paris.

David Décamp (né en 1970) expose pour la première fois à Paris des œuvres récentes : dessins de forêts au lavis, sculptures et installations. Un ensemble de branches et peut-être parties de troncs sont juste posés contre un mur. Leur couleur sourde et uniforme interpelle puis leur forme dépareillée, irrégulière, presque sauvage. Ils tranchent avec la rectitude des lignes et plans de la galerie.
Mouvement. En s’approchant on s’aperçoit qu’ils sont recouverts de fine lamelles de plomb. Ces gaines enveloppent et « lisent » jusqu’à la moindre facture et aspérité du bois. De présence anecdotique, ces découpes se transforment en objets d’une transmutation. Le bois de nos paysages, de nos forêts est ainsi plombé, porté en témoins. Momifié ?

Bio-graphie et bio-diversité
Le ton est donné par ce natif du Jura qui, jeune adulte, travaille jusqu’à l’âge de 23 ans, comme bûcheron-élagueur. On souhaite en savoir plus.
Un terrible accident de travail met un terme définitif à cette activité professionnelle. Le temps de la guérison sera lent et éprouvant.
On retrouve dans son œuvre les traces de cette expérience fondatrice et traumatisante, notamment dans la thématique de l’exposition intitulée Forêt. Par la pratique de l’art, le jeune homme retrouve ce sentiment de liberté et peut-être de solitude qu’il y respirait.
Artisan de ses œuvres, il produit et façonne la pierre, le bois, l'os et le plomb. Le travail de ses mains et la proximité avec la matière demeurent des enjeux primordiaux. Et surtout montrer, interroger, ce qui fait justement tenir cette matière.
L'artiste parle de sa démarche (entretien avec Gilbert Brun)

Dans ses dessins à l’encre noire, magnifiques images de sous-bois, de troncs sans feuilles, l’artiste interroge et la profondeur de l’espace et la transparence de la matière. Une autre manière, encore, de la transformer et de la rendre visible. Délicates, ces œuvres ouvrent cependant à des évocations pessimistes qui planent sur le devenir de la biodiversité de notre monde.
Alors qu’un photographe comme Sudek allait chercher dans les forêts primaires de son pays des images d’un monde ancien, qui possédait son propre cycle de vie et de régénérescence, les dessins de Décamp ne montrent-ils pas un tout autre moment ?
Une poésie sophistiquée
Mais qu’on ne s’y méprenne pas. S’il y a dans l’économie générale de l’œuvre de cet artiste quelques idées et pratiques qu’on pourrait rattacher à l’ « art pauvre » - on pense à l’utilisation de matériaux pauvres, bruts, à la volonté d’évoluer en marge de la société de la consommation, à l’humilité de l’homme dans « l’ordre » du monde - les œuvres de David Décamp sont des objets finement ouvragés.
En portant en eux l’histoire de leur processus de fabrication généralement à l’échelle de celui qui les crée, ils métaphorisent des transports révélés du plus profond du moi. Son Autel (portatif !) synthétise particulièrement bien la dimension à la fois symbolique et intimiste de son travail.
Jusqu'au 14 janvier
12, rue des Beaux-Arts
75006
01 40 29 97 52
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