Extase d'opium, manuscrit autographe

Extase d'opium.

Manuscrit autographe anonyme. 22 pages in-4 pliées en deux. Sans lieu, vers 1920. La signature du manuscrit a, semble-t-il, été déchirée en page 22. Provenance : archives de l'écrivain Félicien CHAMPSAUR (1858-1934). On reconnaît sa difficile écriture au dos de la dernière page ( notes ? Titres ?).

 

Manuscrit littéraire d'un opiomane français, "vieux fumeur" de ce "démon noir" ou de cette "fée noire", décrivant ses expériences et ses rêveries aux côtés de deux femmes et dialoguant avec un officier de marine qui s'invite à leur fumerie. 

 

Sans savoir où se situe précisément la scène, un long passage concerne néanmoins ses expériences à Toulon, ville dans laquelle il a été rapporté l'existence en 1913 de 163 fumeries clandestines. Ces pratiques furent déclarées illégales en 1916, mais de nombreuses fumeries perdurèrent. L'auteur cite d'ailleurs la répression policière en cours.

 

Le manuscrit est divisé en quatre parties.

 

"Premières sentsations"

L'auteur décrit les préparatifs : "tu mettra la double culotte de la geischa (...) Je mettrai la robe (...) celle où il y a au milieu de la poitrine un trou si étrange de taches brunes et rousses. Puis, seuls parmi les autres, nous nous étendrons sur la natte et nous attendrons le bonheur de la bonne drogue" ; une description du lieu : "les peaux tendues au mur avec leur pattes écartées", etc ; les premières sensations : "Tout à l'heure, vers la dixième pipe, nous connaîtrons la volupté immense et silencieuse de l'opium. Ce désir qui se satisfait de son désir".

 

"La Fumerie"

"Avec un soin délicat et jaloux, tu vas ranger la fumerie sur le plateau de teck. J'aime les dix petits objets qui composent ma fumerie. L'auteur s'attarde sur des statuettes érotiques en ivoire figurant un couple de petits japonais, un vase orné d'un dragon, la coupe avec la fine éponge pour nettoyer la pipe, le gobelet plein de sucrerie, le porte aiguille, la lampe merveilleuse à la douce lumière.

"Je te sentai, toi, la plus caressante des maîtreses, nichée la tête sur mon ventre, dans mon creux.. (...) mon corps misérable flottait dans des nuages d'une incomparable douceur (...) j'étais pris d'une immense tendresse immobile, et touché par le charme de la fée noire".

"Aimez vous, aîmez moi ; je jouis de votre jouissance".

 

"Chine, Turquie, Tonkin, Bénarès. Tout son Orient fabuleux tient là, dans ce petit pot à moitié rempli d'un épais sirop noir et brun (...) La gouttelette d'opium est cueillie au bout de l'aiguille d'argent, puis cuite doucement au-dessus de la lampe".

 

"Les vieux fumeurs comme moi, qui ont rêvé sur toutes les nattes d'Europe, la connaisse, cette guerre d'odeur qui trahit son homme maintenant qu'une police imbécile et sournoise traque la drogue qui embellit la vie, et laisse se débiter l'alcool qui abêtit à chaque coin de rue".

"La première pipe, quelle avidité, l'aspire de tout mon corps, elle entre, la bienheureuse fumée, jusqu'au fond de moi-même, comme la bouche, toi qui est là à mon côté, que je te donne cette fumée. Je la souffle dans ta bouche, et tu prends la fumée et ma salive comme d'une mamelle."

 

"Nous sommes quatre autour du plateau Josette, moi, Suzy, et l'autre le silencieux". Il décrit cet homme : "un officier de marine, un sous marin, je crois. J'ai vu scintiller dans l'ombre trois galons d'or (...) J'entrevois Suzy allongée sur lui comme une bête morte (...) Josette tu es bien, ton silence est volupteux".

 

"Le rêve"

"Vingt pipes. Je suis immatériel, immensément bon, et d'une bienveillance universelle (...) je suis un sur-homme, un demi-dieu (...) tiens, prends du plaisir sur elle, que j'aime que j'aimais tout à l'heure, d'une manière stupidement égoïste, et que j'aime maintenant de la vraie manière (...) Je n'ai plus de corps, je n'ai plus d'âme, je n'ai plus qu'un bonheur universel", etc.

 

Il s'adresse à nouveau à l'officier de marine qui fume avec lui et ses deux amies : "aime-la (...) Veux-tu une pipe, la voilà la vraie maîtresse, celle qui ne bronche jamais". Il désire lui parler "des fantômes défunts de [ses] amours anciennes", évoque alors une certaine Emma. Il souhaite ensuite converser de l'immortalité du corps et de l'amitié et revient à Josette : "Oh ! C'est doux ce que me fait, Josette, avec les lèvres, caresse ton sein, si lentement que tu le verras mourir dans tes yeux".

 

"Souvenirs"

"Ecoute, j'ai fumé partout, à Brest, Toulon, à Naples, en Corse, en Sicile, à Paris, ici. J'ai mille souvenirs de fumerie qui sarabandent devant mes yeux".

Dorénavant la peur est partie, ses amours défunts également. Il enchaîne sur ses souvenirs à Toulon :  "Toulon, Toulon, oui, la rue noire, derrière la brasserie de l'Etoile, de dîner hâtif (...) au milieu d'une foule ignorante et vulgaire, et qui ne sait pas" et continue sa conversation avec la marin qu'il nomme "sous-marin". S'il est passé par Toulon, son camarade doit connaître "Poussière"âme des fumeries de Toulon, cinqante pipes par jour, une apparence diaphane et cireuse de poitrinaire à l'extrême limite de la vie". l'auteur écrit de belles lignes sur cette femme.

Il évoque ensuite une autre femme qui fume de l'opium : "Bambou", "brune provençale à la peau d'ivoire".

"Toulon et la fumerie de la petite rue noire que je n'ai jamais connue que la nuit et dont j'ignore et j'ignorerais toujours le nom". Il écrit ensuite quelques lignes souvenirs sur Ajaccio et Bastia.

 

L'auteur du manuscrit conclut : "A quoi bon demander aux autres, aux livres, aux paroles sa dose d'opium et de rêve quand la pipe est si près et que les souvenirs arrivent en foule à notre portée. Il se réunissent dans le ciel de mes idées comme les alouettes qui se poursuivent dans le ciel du soir, à l'heure exquise où monte la lune".

 

Extase d'opium

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